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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/423

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éclatant et serein, sa fièvre d’incertitude s’apaise immédiatement : son âme elle-même se purifie et s’éclaire ; plus de remords, plus de larmes ; son évocation déroule un calme immortel :


C’était l’heure divine où le soleil n’est plus.
L’horizon rose et bleu couronnait les flots calmes.
Le soir, comme un manteau, drapait les monts velus.

Un charme ambitieux faisait battre mon cœur ;
Les bords, les flots, les airs s’irradiaient de prestiges ;
Mes regards s’emplissaient d’éblouissants vertiges.


Il est sensible que, par le souvenir, il veut se retremper dans l’éblouissement ivre de la lumière tropicale, baigner dans une chaleur radieuse ! Ce sont des « hallucinations », précise-t-il lui-même, hallucinations voluptueuses qui lui font retrouver dans la nature l’enthousiasme de sa jeunesse, juxtaposer à une existence prisonnière entre les murs d’une petite ville bretonne sa vie de jeune nomade créole, rêvant dans les ravines, sur les savanes et parmi les mornes :


Et quand de l’ouragan le choc impétueux
Se heurte avec la foudre à vos flancs caverneux,
Lorsque la vieille mer, haletante de rage.
Creuse vos fondements ainsi qu’un sourd orage,
Ô montagnes, assis sur quelque morne nu,
De mes brûlantes mains pressant mon cœur ému
Assisterai-je encore à vos luttes sublimes,
Contre les vents, la foudre et les béants abîmes…


Mais en vain s’applique-t-il à ne mêler ni désir ni regrets à son évocation :


Salazes !… C’en est fait, j’ai quitté sans retour
Et vos pieds parfumés, et mon natal séjour.