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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/453

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de sa féconde virginité. Gonflée de chants d’oiseaux et des mélodies de la brise, dorée par ci par là des rayons multipliés qui filtraient au travers des feuilles, enlacée de lianes brillantes aux mille fleurs incessamment variées de forme et de couleur et qui se berçaient capricieusement des cimes hardies des nates et des bois roses aux tubes arrondis des papayers-lustres. On eût dit le jardin d’Arménie aux premiers jours du monde, la retraite enbaumée d’Ève et des anges amis qui venaient l’y visiter. Mille bruits divers, mille soupirs, mille rires se croisaient à rinjîni sous les vastes ombres des arbres, et toutes ces harmonies s’unissaient et se confondaient parfois de telle sorte que la forêt semblait s’en former une voix magnifique ef puissante[1].


Bien avant l’Aurore, avant le lever de soleil du Manchy, avant maintes autres pièces où se dit le charme de l’aube ou la beauté de l’aurore sur l’île, il décrit ainsi un lever de soleil créole :


Rien n’est beau comme le lever du jour du haut des mornes du Bernica. On y découvre la plus riche moitié de la partie sous le vent et la mer à trente lieues au large. Sur la droite, aux pieds de la Montagne-à-Marquet la savane des Galets s’étend sur une superficie de 3 à 4 lieues, hérissée de grandes herbes jaunes que sillonne d’une longue raie noire le torrent qui lui donne son nom. Quand les clartés avant-courrières du soleil luisent derrière la montagne de Saint-Denis, un liseré d’or en fusion couronne les dentelures des pics et se détache vivement sur le bleu sombre de leurs masses lointaines. Puis il se forme tout à coup à l’extrémité de la savane un imperceptible point lumineux qui va s’agrandissant peu à peu,

  1. Marcie. Cf. la dernière strophe du poème.