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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/470

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bien après que la presse locale eût cessé de blâmer en conséquence « son inexplicable conduite ». Un journal même n’hésita point au moment de sa mort à publier un article où s’exprimait une antipathie qui se motivait quotidiennement ainsi : « C’était un homme orgueilleux qui n’aimait pas les créoles. « 

Les Poèmes antiques ayant été couronnés par l’Académie française, Leconte de Lisle reçut de Bourbon une pension annuelle de 2.000 francs, bienfait qui ne dut pas être regretté, car cette même Académie, dont le suffrage avait décidé la faveur de la colonie, la loua en une séance solennelle de son intelligente libéralité. Nous lisons dans le compte-rendu du concours de l’année 1857 ces lignes de Villemain :[1] « Ici, Messieurs, dans ce sentiment d’intérêt et de respect que nous devons porter au plus difficile et au moins encouragé de tous les arts, nous avons à nous féliciter qu’une première justice rendue par nous au talent de M. Leconte de Lisle comme à celui d’un autre jeune poète, M. Lacaussade, ait attiré sur tous deux les regards de la colonie française où ils sont nés. Enfant de l’île Bourbon, l’auteur des Poèmes antiques, couronné par l’Académie française, a reçu dès lors un témoignage annuel de l’estime de ses concitoyens. Cette estime ne peut que s’accroître avec le succès de ce poète. » L’habile et aimable invitation de Villemain ne reçut point de réponse. Voici le compte-rendu d’une séance du Conseil colonial de Bourbon (à la date du 16 novembre 1867), qu’il est juste sinon savoureux de reproduire :

« Secours aux poètes créoles Delisle et Lacaussade 4.000 francs.

« Un membre demande la suppression de cette allocation qui lui a toujours paru un scandale ; dans l’origine, le but de ce secours a été de mettre ces deux poètes à même d’attendre l’époque où par leurs œuvres ils se seraient créé une position indépendante. Il y a longtemps que, s’ils avaient un talent réel, ils seraient arrivés à ce but, car l’un touche déjà à la vieillesse. Ce secours est devenu pour eux une véri-

  1. La notice sur Lamartine dans le Staaf porte que c’est lui qui avait fait obtenir les pensions de L. de L. et de Lacaussade.