Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
LECONTE DE LISLE

Sais-tu qu’en te touchant je ne sens plus ma main,
Que mon cœur palpitant s’échappe de mon sein...

Et moi je suis contraint, au seul bruit de tes pas.
          De m’appuyer bien vite.
Car ma tête est en feu, mon front est enivré,
Mes pieds semblent fléchir et mon regard troublé
          Et te cherche et t’évite.


Ce ne sont point métaphores lyriques, mais l’expression exacte de sa sensibilité orageuse déjeune créole. Ces vers épanchent l’émotion, intense jusqu’aux palpitations, d’une nature « délirante » toute en rougeurs brusques et en arrêts du cœur. Elle le forçait parfois à vaincre sa faroucherie pour affronter le monde, se glisser dans un de ces salons de nate, où les musiciens indigènes, groupés en leurs costumes chantants, faisaient danser les jeunes filles, en robes de tarlatane et sous des guirlandes de fleurs de liane, aux bras fermes de leurs cousins. Il invoque dans la Soirée une de celles qui l’y entraînèrent[1].


Tu brilles aux feux des bougies,
Pierre précieuse du bal…
La flamme de tes yeux embrase,
Car tes regards brûlants sont noirs ;
Et ta robe faite de gaze
Couleur de rubis et topaze
Légère s’ondule aux miroirs.
Puis vient la séduisante valse
Délirante d’émotion ;
Ton image contourne et passe
Et luit et s’incline et s’efface
Comme une pure fiction.

  1. Autographes du lycée Leconte de l’Isle.