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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/53

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L’ENFANCE DANS L’ÎLE

le charme que j’éprouve à recevoir quelque souvenir de toi, quel plaisir je ressens en tâchant d’y répondre ?…

Oh ! jamais, non, jamais, aucun autre ami ne te remplacera dans mon cœur, jamais rien n’altérera notre chère intimité ! Nous sommes séparés l’un de l’autre, peut-être pour toujours… Ah ! que, du moins, le souvenir, seul bien qui nous reste, emplisse en quelque sorte l’énorme espace qui nous désunit, adoucisse un peu l’amertume des regrets et des larmes de l’absence ! Mais cet espace lui-même qu’est-il ? rien, non, rien ! Je te vois, je te parle, je te serre d’ici dans mes bras ! ô mon ami si cher, s’il ne faut pour nous rejoindre un jour que surmonter des obstacles proportionnés aux forces humaines, ah ! sois-en sûr, tu me reverras, je te reverrai aussi et nous oublierons alors dans noire joie et nos maux et nos regrets passés !

… Je joins ici, mon cher camarade, une pièce politique intitulée 2e Pélagienne ; l’auteur la composa en prison, c’est rigoureusement traité. Tu en jugeras.

Adieu, mon unique ami, je t’embrasse du fond de mon cœur. Aime-moi bien toujours ; et tu n’auras pas affaire à un ingrat.

Maintenant et toujours ton ami dévoué.


Entre tous, Leconte de Lisle aimait Adamolle comme un frère. Ainsi en prend-il congé dans cette lettre déposée au Cap :


Mon cher Adamolle,

C’est une chose cruelle qu’un premier départ, lorsque, pour un temps illimité, l’on quitte tout ce qu’on aime. C’est une chose pleine d’amertume qu’il faut avoir éprouvée pour en exprimer avec vérité les diverses sensations. Je puis te dire en conscience tout le malaise et l’isolement où l’on se trouve plongé, car je suis du nombre de ceux qui la connaissent à fond.