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LE VOYAGE


Anna, lorsque ta robe, aux replis gracieux.
Nous frôle en se glissant, nos âmes en frissonnent
Comme les feuilles d’arbre inclinent et résonnent
Sous les soupirs légers des vents voluptueux.


Oh ! si je le pouvais, si je pouvais te dire
De la voix, de tes pas, les charmes infinis,
Les suaves pensers que la présence inspire,
Mes vers seraient charmants et d’eux-mêmes surpris !

Hélas ! je ne le puis et ma muse inhabile
Impuissante à créer d’aussi vives couleurs,
Refuse des pinceaux pour ce tableau mobile :
Il faut être si doux pour bien peindre la fleur.



*

Comme son voisin le Madécasse, mais avec le ressort d’une race plus active, le jeune Bourbonnais, par une sensualité méridionale tout italienne qu’affinent une malice attique, une grâce hellénique naturelles au pays, est prompt à l’amour, le sang doré de soleil. Il tient une âme musicale du génie de cette île où les hautes montagnes aux échos sonores et frais symphonisent les rumeurs tournoyantes de leurs ravines au murmure immobile des flots ceignant la côte. La contemplation quotidienne des pitons, arrondis sur le ciel tour à tour mol et embrasé dans le dessin parfait et le plus caressant a empreint en sa tendresse le goût des lignes pures, des courbes montueuses d’une beauté souriante et sereine. Il sait jouir avec une artiste volupté de l’ovale des visages, de la passion d’un teint de feu, de l’éclat allongé des yeux, de la stabilité des tailles en suspens. Il a un