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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/81

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L’ADOLESCENCE EN BRETAGNE


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Au mois d’octobre, son oncle et sa tante le conduisent à Rennes et le logent au bord de la rivière, rue des Carmes, no 4.

On perd, à Rennes, le souvenir de l’Océan… ses brises n’y viennent pas dissiper les brouillards d’une pluie intermittente et perpétuelle ni la brume silencieuse du pavé. Sur les quais qui suivent une Vilaine traînante et jaune s’éloignent lentement de rares passants. Toutes les maisons, d’un gris noirâtre, sont bâties par petits carrés de granit que râpe la lumière pâle ; un pavé menu, difficile, pointu ; à l’angle aigu de deux rues vides et moisies des dames à mine pointillaise ; et, devant la Place du Palais où se dresse un bronze de Louis XV, le monde sombre et tracassé de la Chicane, magistrats, procureurs, assesseurs, avocats, tradition d’une ville qui fut dépossédée de son Parlement[1]. ux abords de la Faculté de droit, s’assemblent, pour deviser avec des gestes déjà importants et ponctuels, les fils d’une noblesse de robe, dans de longues redingotes fermées descendant jusqu’aux genoux. Au bas de maisons taciturnes comme des presbytères, dans des rues où s’aigrit une humidité de bénitier, disparaissent des soutanes qui vont dire la messe à Sainte-Melaine ou à Saint-Hellier ; et, sur la rive livide où s’étouffe le son des comman-

  1. D’après le recueil de morceaux choisis fait par M. Tiercelin de Chateaubriand, Stendhal, Souvestre, Taine.