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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/103

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HIÉRONYMUS

Pour qui vous encourez l’inextinguible Feu,
Outre le désespoir des minutes prochaines.
Mais vous n’endurez point le doux poids de nos chaînes ;
Frère, l’humilité n’est pas votre vertu.
Vous étiez colérique, indocile, têtu,
Téméraire, offensant par vos actes et gestes
Notre maison pieuse et vos patrons célestes,
Et vous multipliant en exemples malsains.
Le mal était fort grand. Il est pire. Les Saints,
Voyant la discipline à ce point amoindrie
Et que l’agneau galeux souille la bergerie,
S’en irritent. Voici l’heure du châtiment.
Cette tâche est amère et lourde assurément
Pour mon insuffisance et ma décrépitude ;
Mais ma force est en Dieu, si le labeur est rude,
Et le salut final du pécheur fort chanceux,
Sinon désespéré. Mon frère, étant de ceux
Qui raillent la douceur et la miséricorde,
Vous serez éprouvé par le jeûne et la corde ;
D’après le monitoire et les canons anciens,
Vous vivrez du rebut des pourceaux et des chiens ;
Vous dormirez, couché sur des pierres fort dures,
Au fond de l’In-pace, dans vos propres ordures,
Macérant votre chair et domptant votre esprit ;
Et lorsque vous rendrez l’âme, à l’instant prescrit,
Du moins les Bienheureux l’attestent, ira-t-elle
S’ébattre, blanche et pure, en sa gloire immortelle,
Soustraite pour jamais au Tentateur subtil
Dont l’Archange Michel nous garde ! — Ainsi soit-il !