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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/106

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POÈMES TRAGIQUES.

Ou la race d’Adam perdra son patrimoine ! —

L’Abbé, d’un brusque geste, interrompit le moine :

— Confessez vos erreurs, frère ! Ne touchez point
Au reste. J’ai reçu mission sur ce point.
Or, vous êtes hardi par delà la mesure.
Est-ce au serf à juger, du fond de sa masure,
Les princes de la terre en leurs secrets conseils ?
Dieu, sachant ce qu’il fait, les voulut-il pareils ?
Est-ce à l’enfant, dans ses vanités effrénées,
D’avertir follement mes quatre-vingts années,
De gourmander la foi d’autrui de son plein chef
En m’arrachant du poing la barre de la nef ?
Lourd de péchés, rongé de démence et de bile,
Est-ce à vous de peser dans votre main débile
Les choses de ce monde et les choses d’en haut,
Disant ce qu’elles sont et comment il les faut ?
Vous sied-il d’augurer des Volontés divines ?
Un très risible orgueil vous enfle les narines,
Frère ! et vous délirez, en ce triste moment,
Certes, plus que jamais et fort piteusement.
Entendez la raison, n’aggravez point vos fautes ;
Car on chute plus bas des cimes les plus hautes,
Car plus de honte attend le plus ambitieux,
Et le plus vieil Orgueil s’est écroulé des cieux !
Donc, laissez là le monde et ses rudes tempêtes :
La poussière convient à ce peu que vous êtes.
Le Seigneur équitable a donné sagement