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L’ABOMA.


L’Ara vêtu de pourpre éveille les reptiles,
Crotales et corails, agacés de ses cris,
Et qui bercent le nid grêle des colibris
Par l’ondulation de leurs fuites subtiles.

Au loin, à l’horizon des pacages herbeux,
Où la brume en flocons transparents s’évapore,
Passent, aiguillonnés des flèches de l’aurore,
Des troupeaux d’étalons sauvages et de bœufs.

Ils courent, les uns fiers et joyeux, l’œil farouche,
Crins hérissés, la queue au vent, et par milliers
Martelant bonds sur bonds les déserts familiers,
Et ceux-ci, mufle en terre et la bave à la bouche.

Les caïmans, le long des berges embusqués,
Guettent, en soulevant du dos la vase noire,
Le jaguar qui descend au fleuve pour y boire
Et qui hume dans l’air leurs effluves musqués.

Mais sur l’îlot moussu que la rosée imbibe,
Par les vagues rumeurs troublé dans son sommeil,
Se déroule, haussant sa spirale au soleil,
Le vieux roi des pythons, l’Aboma caraïbe.

La mâle torsion de ses muscles d’acier
Soutient le col superbe et la tête squameuse ;
Sa queue en longs frissons fouette l’onde écumeuse ;
Il se dresse du haut de son orgueil princier.