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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/130

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POÈMES TRAGIQUES.


Les Chevaliers-bandits, ces pilleurs forcenés
Qui rôdent, infestant les deux bords du grand fleuve,
S’écartent, eux aussi, des hauts murs ruinés.

Soit qu’ils jugent la proie assez piètre et peu neuve,
Soit respect du vieux Duc blanchi sous d’autres cieux,
Ils se sont abstenus de tenter cette épreuve.

Donc, Magnus, lentement, comme un spectre anxieux,
D’un bout à l’autre de la salle à voûte épaisse
Marche, les bras au dos, le rêve dans les yeux.

Lames torses, carquois, engins de toute espèce,
Trompes, bois de cerfs, peaux d’aurochs, de loups et d’ours,
Pendent aux murs moisis et que le temps dépèce.

Pleines d’éclats soudains et de craquements sourds,
Au fond de l’âtre creux flamboyent quatre souches
Sur leurs doubles landiers de fer massifs et lourds.

La fumée et la flamme en tourbillons farouches
Montent et font jaillir des chemises d’acier,
Dans l’ombre, çà et là, des gerbes d’éclairs louches.

Aux pieds d’une escabelle à brancards et dossier
Gît un grand lévrier d’Égypte ou de Syrie
Que l’âge et que la faim semblent émacier.

Devant l’âtre embrasé qui ronfle, siffle et crie,
Il feint de sommeiller, immobile, allongé
Sur le ventre, étirant son échine amaigrie.