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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/135

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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Il pousse aveuglément sa course vagabonde,
Sans vergogne, sans peur de plus rudes combats.
Si Dieu ne l’aide point, que Satan le seconde !

Qu’il jouisse de tout ce qu’on rêve ici-bas,
Richesse en plein soleil et volupté dans l’ombre,
Et que Mahom l’accueille en ses joyeux sabbats !

Il est brave, il est jeune et fort. Qui sait le nombre
De ses jours triomphants ? Son désir satisfait,
Il se repentira quand viendra l’âge sombre.

N’est-il plus clerc rapace ou vil moine, en effet,
Qui, pour quelques sous d’or, ne puisse, sans scandale,
Absoudre du péché non moins que du forfait ?

Il vouera, s’il le faut, sa terre féodale
Au Saint-Siège, et le noir donjon vermiculé
Où les os des aïeux blanchissent sous la dalle.

Une châsse d’argent massif et constellé
D’émeraudes, avec dix chandeliers d’or vierge,
Le rendront net et tel qu’un Ange immaculé.

Par Dieu ! maint Empereur, que l’eau bénite asperge,
A fait pis, et mourut en paix, qui, sur l’autel,
Le nimbe aux tempes, siège à la lueur du cierge.

Qu’il soit ou non vendu, le Mot sacramentel
Suffit, lie et délie ; et l’unique blasphème
Est de nier qu’un mot lave un péché mortel.