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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Puisse Satan griller ces ladres dans son four
Septante fois chauffé de soufre et de bitume,
Dusses-tu, s’il le faut, les y rejoindre un jour !

Plein d’anciens souvenirs, de haine et d’amertume,
Ainsi le duc Magnus, devant l’âtre enflammé,
Songe, allant et venant, comme il en a coutume,

Dans son rêve sinistre à jamais enfermé.


IV


Au travers de la nuit qu’un reflet blême éclaire,
La tempête, qui pousse un hurlement plus fort,
Semble déraciner le donjon séculaire.

Un fracas à troubler dans le sépulcre un mort !
Le duc Magnus s’assied sur l’escabelle, à l’angle
Du foyer, clôt les yeux, et rêve qu’il s’endort.

Quel sommeil ! Plus heureux sur son grabat de sangle
Le misérable serf, harassé, maigre et nu,
Meurtri par le collier de cuivre qui l’étrangle !

Lui, du moins, peut rêver qu’en un monde inconnu,
En un Ciel ignorant l’opprobre et l’esclavage,
Un jour, il montera, libre et le bienvenu !