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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/154

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POÈMES TRAGIQUES.


Car tes crimes n’ont point tué ta foi chrétienne,
Et, pour braver le Dieu terrible que tu crois,
Tu n’as que ton orgueil têtu qui te soutienne.

Ô malheureux ! l’Enfer entr’ouvre ses parois !
Donne à Jésus trahi ta minute suprême,
Pousse un cri de détresse au Rédempteur en croix !

Sinon, meurs, renégat, qui te mens à toi-même,
Que ma pitié veilla tant de nuits et de jours,
Mettant une épouvante après chaque blasphème !

Mais, avant de tomber au Gouffre, et pour toujours,
Vois ces noirs Sarrasins, ces compagnons funèbres,
Debout contre ton mur, roides, muets et sourds.

Ce sont les trois Démons qui hantent tes ténèbres. —
Et Magnus obéit, et les regarde, et sent
Comme un frisson d’horreur le long de ses vertèbres.

Un d’eux rampe vers lui, sordide et grimaçant,
Œil chassieux, ayant dix griffes qu’il hérisse,
Et se rongeant la chair des bras en gémissant :

— Reconnais-moi, Magnus ! Je suis ton Avarice !
Si l’eau de l’océan était de l’or fondu,
Je boirais l’océan jusqu’à ce qu’il tarisse !

Viens ! nous boirons cet or bouillant qui nous est dû ! —
L’autre Démon, armé d’un fer visqueux qui fume,
Y lèche un sang humain fraîchement répandu :