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LES ÉRINNYES.

Afin que toute chose un jour soit accomplie,
Que la justice éclate, et qu’il arrive enfin,
L’enfant prédestiné, le jeune homme divin,
L’irréprochable fils d’une effrayante mère.


KALLIRHOÈ.

Pour tous ceux qu’il aima dans la vie éphémère,
Prie, ô noble Élektra, ton père vénéré ;
Et les Dieux entendront ton appel éploré.


ÉLEKTRA prend une coupe et s’approche du tombeau.

Hermès ! prompt Messager qui montes d’un coup d’aile
De la pâle Prairie où germe l’asphodèle
Jusques au pavé d’or des Princes de l’Aithèr,
À toi d’abord, Hermès, le vin pur du Kratèr !

Elle verse la libation.

Daimones très puissants, Rois de la terre antique,
Qui siégez côte à côte en son ombre mystique,
Toi, Dieu terrible, et toi qui fais germer les fleurs,
Ô Déesse ! écoutez le cri de mes douleurs :
Faites que l’Atréide, errant dans l’Hadès blême,
Exauce le désir de son enfant qui l’aime !

Elle verse la seconde libation.

Maintenant, ô mon père, entends aussi ma voix,
Et, du fond de la Nuit irrévocable, vois !
Je gémis, opprimée, et ton fils est esclave !
Ta demeure est aux mains d’un lâche qui te brave,