Aller au contenu

Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
POÈMES TRAGIQUES.

Pour ses enfants, hélas ! elle est chaude de haine.
Malgré mes pleurs, mes cris, l’étreinte de mes bras,
À peine reconnu, mon frère, tu mourras !


ORESTÈS.

Rassure ton cher cœur. Va ! le Dieu qui m’envoie
Saura bien aveugler ces deux bêtes de proie.
Je l’envelopperai sûrement du filet
De la ruse, tout lâche et défiant qu’il est ;
Et, si Zeus Justicier m’approuve et me seconde,
Je le tuerai comme on égorge un porc immonde !
Pour ma mère, les Dieux justes m’inspireront.
Puisque l’heure est venue, il convient d’être prompt ;
La soif du sang me brûle, et le Destin m’entraîne.
Femmes, qu’une de vous se hâte vers la Reine,
Et dise : « Un voyageur qui nous est inconnu,
« Ô fille de Léda, dans Argos est venu.
« Il annonce — que Zeus fasse mentir sa bouche ! —
« Qu’Orestès est couché sur la funèbre couche. »
Elle viendra joyeuse !
À Élektra.
Elle viendra joyeuse ! Et toi, ma sœur, gémis ;
Accuse hautement les Destins ennemis ;
Sur le père et le fils, sur notre race éteinte,
Répands toute ton âme en une ardente plainte ;
Lamente-toi, ma sœur ! lève les bras aux Cieux !
Pleure ma mort enfin, et laisse agir les Dieux.

Une des femmes rentre dans le palais. Orestès prend une coupe et s’approche du tombeau.