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POÈMES TRAGIQUES.

Et moi, je viens, je frappe ; et les tyrans sont morts !
Maintenant, de ceci j’effacerai les traces :
L’une au bûcher funèbre, et l’autre aux chiens voraces.
Que le peuple s’empresse à l’Agora ! Demain,
Le sceptre paternel brillera dans ma main ;
Parmi les Chefs vaillants je m’assoirai, semblable
Aux Dieux ; avec le bruit de la mer sur le sable,
Hellas acclamera mon nom, disant : « C’est bien.
Il a vengé son père et reconquis son bien ! »

Il regarde le cadavre.

Pourquoi ne pas fermer ta sanglante paupière,
Cadavre ? Que veux-tu ? Va ! mon cœur est de pierre :
Je ne crains rien, j’ai fait pour le mieux. C’est assez !
Ne me regarde pas de tes yeux convulsés !
Je t’ensevelirai, toi, mes maux, et le reste,
Dans l’oubli, comme il sied d’un souvenir funeste.
À quoi bon épier mes gestes et mes pas ?
Regarde dans l’Hadès, ne me regarde pas !

Il lui ramène sur la face un pan du péplos. —
Tendant les bras vers le tombeau.

Et toi qu’ils ont couché sous ce tertre sans gloire,
Père ! monte à travers la nuit immense et noire,
Apparais à ton fils qui te venge aujourd’hui !
Il t’appelle, ô chère Ombre ! Entends-le, viens, dis-lui
Que devant tous les Dieux du ciel et de l’abîme