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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/66

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POÈMES TRAGIQUES.

Et la honte d’être homme aussi lui poignait l’âme.
Soudainement, le bois sec et léger prit flamme,
Une langue écarlate en sortit, et, rampant
Jusqu’au ventre, entoura l’homme, comme un serpent.
Et la peau grésilla, puis se fendit, de même
Qu’un fruit mûr ; et le sang, mêlé de graisse blême,
Jaillit ; et lui, sentant mordre l’horrible feu,
Les cheveux hérissés, cria : — Mon Dieu ! mon Dieu ! —

Un moine, alors, riant d’une joie effroyable,
Glapit : — Ah ! chien maudit, bon pour les dents du Diable !
Tu crois donc en ce Dieu que tu niais hier ?
Va ! cuis, flambe et recuis dans l’éternel Enfer ! —

Mais l’autre, redressant par-dessus la fumée
Sa dédaigneuse face à demi consumée
Qui de sueur bouillante et rouge ruisselait,
Regarda l’être abject, ignare, lâche et laid,
Et dit, menant à bout son héroïque lutte :

— Ce n’est qu’une façon de parler, vile brute ! —

Et ce fut tout. Le feu le dévora vivant,
Et sa chair et ses os furent vannés au vent.