Aller au contenu

Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et voici que le sang dans ses veines se fige ;
Sa tête tourbillonne et s’emplit de vertige ;
D’une sueur de mort les cheveux inondés,
Il défaille et chancelle ! Oh ! venez, descendez,
Anges consolateurs des misères mortelles,
Abritez votre Dieu de l’ombre de vos ailes,
Soulevez son front pâle, et sur ses pieds blessés
Pleurez, divins amis, et les rafraîchissez !
Mais non ! restez aux cieux ! De sa douleur féconde,
Anges, vous le savez, sort le salut du monde,
Et nul de vous jamais ne pourrait épuiser
Ce sang dont l’univers se verra baptiser !

Bientôt, l’Église aussi, selon le rite antique,
Comme une veuve assise au foyer domestique,
Gémissant, et pleurant l’Époux mort dans ses bras,
Défaillira, tremblante, à ses premiers combats.
Ses enfants éplorés, se pressant autour d’elle,
Partageront les maux de leur mère immortelle,
Qui tournera, le cœur plein d’un seul souvenir,
Ses regards incertains vers le sombre avenir ;
Et, sur le seuil désert croyant toujours entendre
Du Bien-Aimé la voix consolatrice et tendre,
Toujours désabusée, et le front dans la main,
Dira : Veillons encore ! Il reviendra demain.

Espérance sacrée ! Il reviendra sans doute !
Il se penche vers toi de l’éternelle voûte,
Il te voit, il te guide, et, comme il est écrit,
Te donne sans retour sa force et son esprit !