Aller au contenu

Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



NEUVIÈME STATION


Jésus tombe pour la troisième fois.



Une dernière fois, sur la pente escarpée,
D’une sueur de mort la figure trempée,
Jésus tombe, immobile, anéanti, sans voix,
Et de ses faibles bras laisse échapper la Croix.
Ce n’est plus la douleur charnelle qui le brise,
Ni le sang répandu qui dans son cœur s’épuise,
Ni qu’une main barbare, en aggravant ses maux,
Ait surpris à l’enfer des outrages nouveaux ;
Non ! Mais de l’avenir illuminant les ombres,
Le Rédempteur regarde à travers les temps sombres,
Et voyant que le Mal, jusques au dernier jour,
Flétrira pour beaucoup les fruits de son amour,
Saisi d’une souffrance amère, inexorable,
Il se meurt de pitié pour la race coupable !

Mère et fille de l’homme, aveugle humanité,
Ton Dieu même gémit de ton iniquité !
Contemple en frémissant ce désespoir auguste,
Cette prostration du seul Pur, du seul Juste,