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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/267

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mandent encore une sorte de vénération. On se sent en présence d’une volonté puissante conforme à une destinée, ce qui est la marque du génie. Dans le monde de l’art, en effet, la recherche latente ou consciente de cet accord définitif constitue le travail interne, nécessaire, de tout esprit bien doué. Quand la conformité s’accomplit, l’artiste est complet.

Tel qu’il nous apparaît, tel que nous l’admirons dans l’ensemble de ses poèmes, des Orientales à la Légende des Siècles, Victor Hugo s’impose à toute intelligence compréhensive comme une force vivante, à la fois volontaire et fatale. Il est donc inévitable qu’il s’affirme et que le sens des objections puériles de la critique lui échappe. Le bourdonnement de ces mouches l’irrite à bon droit. Il est ce qu’il est. Les piqûres envenimées, les insultes, les négations, ses propres efforts au besoin, ne le transformeront pas. On ne fera pas de cet aigle un volatile de basse-cour ; on n’attellera pas ce lion à l’omnibus littéraire. Le prétendu orgueil du grand poète n’est autre chose, au fond, que l’aveu pur et simple qu’il est Victor Hugo. Ce qui est incontestable.

L’auteur des seuls chefs-d’œuvre lyriques que la poésie française puisse opposer avec la certitude du triomphe aux littératures étrangères, l’écrivain qui a rendu à notre langue rhythmée la vigueur, la souplesse et l’éclat dont elle était destituée depuis deux siècles, mérite toute la gratitude des poètes et tout le respect des rares intelligences qui aiment et comprennent encore le Beau. C’est un esprit excessif, qui le nie ? Il se déclare tel lui-même. Ce sont de véritables excès que les Rayons et les Ombres,