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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/309

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évocations. La bataille de Waterloo y revit dans son horreur sublime. Nous assistons à cet écroulement sinistre d’une multitude qui se rue, tourbillonne et se heurte avec une clameur désespérée contre les carrés de la vieille Garde immobile au milieu de la flamme et de l’averse des balles et des boulets. Rien de plus foudroyant de beauté épique. Et que de scènes encore d’une réalité saisissante : une tempête sous un crâne, le couvent de Picpus ! Que de types originaux et vivants : l’évêque Myriel, Valjean, Javert, Gille Normand, Champ-Mathieu et l’immortel Gavroche !

Traduit dans toutes les langues, répandu dans le monde entier, si plein, si complexe, tantôt haletant, tantôt calme et grave, œuvre de revendication sociale, de polémique ardente et de lyrisme, le livre des Misérables est assurément une des plus larges conceptions d’un grand esprit, si ce n’est une des plus pondérées. Mais, qui ne le sait ? Le génie de Victor Hugo brise invinciblement tous les moules, et ce serait en vérité une prétention quelque peu insensée que de vouloir endiguer cette lave et proportionner cette tempête.

Les Travailleurs de la mer, l’Homme qui rit, Quatre-vingt-treize parurent successivement. Les mêmes beautés d’imagination, d’originalité et de style s’y retrouvent à chaque ligne. Qui ne se souvient de la caverne sous-marine où Gilliatt rencontre la pieuvre, de cette merveilleuse vision du grand Poète ? L’infinie richesse de la langue, le charme exquis, la délicatesse féerique des nuances et des sensations perçues font de ces pages un enchantement mystérieux et idéal. Et, dans l’Homme qui rit, que de ta-