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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/311

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déroulement des chefs-d’œuvre posthumes transforme cette admiration en une sorte d’effroi sacré, en face d’une telle puissance de création. On dirait qu’il veut nous donner la preuve de l’immortalité toujours féconde de son génie au delà de ce monde, comme il aimait à l’affirmer d’après la conviction philosophique qu’il s’était faite. Car toute vraie et haute poésie contient en effet une philosophie, quelle qu’elle soit, aspiration, espérance, foi, certitude, ou renoncement réfléchi et définitif au sentiment de notre identité survivant à l’existence terrestre. Mais ce renoncement ne pouvait être admis par Victor Hugo qui, lui aussi, comme il a été dit du grand orateur de la Constituante, était si fortement en possession de la vie.

Sa philosophie, celle qui se retrouve au fond de tous ses poèmes, tient à la fois du panthéisme et du déisme. Dieu, pour lui, est tantôt l’Être infini, indéterminé, le monde intellectuel et le monde moral, la nature tout entière, la vie universelle avec ses maux et ses biens ; tantôt Dieu se distingue des êtres et des choses, affirme sa personnalité, veut, agit, détermine les pensées, les actes, amène les catastrophes physiques, relève les faibles et punit les oppresseurs en les incarnant de nouveau dans les formes les plus abjectes de l’animalité ou dans celles de la matière inerte. Or, Dieu, selon le Poète, étant toute justice et toute bonté, et les âmes qu’il crée n’étant déchues et corrompues que par l’ignorance de la vérité, ignorance où elles se complaisent ou qui leur est infligée, a voulu que toutes fussent appelées, si elles le désirent, à la réhabilitation définitive ; mais leur immortalité est