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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/52

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L’heure est proche. Réponds. Repens-toi de tes crimes,
Et que Jésus t’absolve au nom de tes victimes. —

Et le Moine écoutait l’homme impassiblement,
Tête haute, au milieu d’un sourd frémissement
De vengeance certaine et de plaisir farouche.
Puis, un amer mépris lui contractant la bouche
Et gonflant sa narine, il parla d’une voix
Grave et dure :
                       — J’entends un insensé ! Je vois
De galeuses brebis, loin du Berger qui pleure,
Dans la vivante mort s’enfoncer d’heure en heure,
Et je leur dis ceci par ultime pitié :
Gémissez ! Déchirez votre corps châtié,
Lavez de votre sang les souillures de l’âme ;
Et, peut-être, échappés à l’éternelle flamme,
Dans quelques milliers de siècles, mais un jour,
Serez-vous rachetés par le divin Amour,
En vertu de la longue épreuve expiatoire
Et des heureux tourments du sacré Purgatoire.
Faites cela. J’ai dit. Sinon, chiens obstinés,
Chair promise à l’Enfer pour qui vous êtes nés,
Maudits septante fois, rebut du monde, écume
D’infection, qui sort de l’abîme et qui fume
De la gorge du Diable, allons ! Ne tardez plus,
Frappez ! Couronnez-moi du nimbe des Élus ;
Faites votre œuvre aveugle, ô misérable reste
De réprouvés, hideuse engeance, opprobre et peste
Des âmes ! Hâtez-vous ! Pour un homme de moins,