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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/59

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Au pied de ton gibet le stupide Barbare
À prosterné par nous son front humilié ;
Le denier du plus pauvre et l’or du plus avare
Ont dressé ton autel partout multiplié.

Comme un vent orageux chasse au loin la poussière,
Pour délivrer la Tombe où tu n’as laissé rien,
Nous avons déchaîné la horde carnassière
Des peuples et des rois sur l’Orient païen.

Vois ! La nuit se dissipe à nos bûchers en flammes,
La mauvaise moisson gît au tranchant du fer ;
Et, mêlant l’espérance à la terreur des âmes,
Nous leur montrons le Ciel en allumant l’Enfer.

Et tu nous appartiens, Jésus ! Et, d’âge en âge,
Sur la terre conquise élargissant nos bras,
Dans l’anathème et dans les clameurs du carnage,
Quand nos Voix s’entendront, c’est Toi qui parleras !

Ô Christ ! Et c’est ainsi que, réformant ton rêve,
Connaissant mieux que toi la vile humanité,
Nous avons pris la pourpre et les Clefs et le Glaive,
Et nous t’avons donné le monde épouvanté.

Mais, arrivés d’hier à ce glorieux faîte,
Il reste à supprimer l’hérétique pervers.
Ne viens donc pas troubler l’œuvre bientôt parfaite
Et rompre le filet jeté sur l’univers.