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Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/87

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La mer calme, d’argent et d’azur irisée,
D’un murmure amoureux saluait le soleil ;
Les taureaux d’Antongil, au sortir du sommeil,
Haussant leurs mufles noirs humides de rosée,
Mugissaient doucement vers l’Orient vermeil.

Tout n’était que lumière, amour, joie, harmonie ;
Et moi, bien qu’ébloui de ce monde charmant,
J’avais au fond du cœur comme un gémissement,
Un douloureux soupir, une plainte infinie,
Très lointaine et très vague et triste amèrement.

C’est que devant ta grâce et ta beauté, Nature !
Enfant qui n’avais rien souffert ni deviné,
Je sentais croître en moi l’homme prédestiné,
Et je pleurais, saisi de l’angoisse future,
Épouvanté de vivre, hélas ! et d’être né.