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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/117

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premières poésies

Aussi, je m’effraie parfois de la confusion qui bouleverse ma tête : mes pensées sans résultat, désir ardent sans but réel, abattements mondains, élans inutiles, se heurtent dans mon âme et dans mon cœur, pour s’évanouir bientôt en indolence soucieuse. Rien de fixe et d’arrêté pour l’avenir, mon passé même semble évoquer mes souvenirs, preuves de mon inutilité passée, pour me prédire mon incapacité future. J’ai rêvé comme un autre d’amour et de jours heureux, écoulés entre une femme aimée et un ami bien cher ; mais ce n’était là qu’un songe. Je le sens bien, il y a en moi trop de mobilité pour espérer une telle vie, si toutefois il m’était donné de jamais la réaliser. La monotonie m’abrutit, et je me reconnais un tel besoin de métamorphoses que je me sentirais capable d’éprouver en un mois tout l’amour, toute la haine et toutes les espérances d’un homme qui y aurait consacré sa vie entière. Oui, me voilà bien, mon Ami. Pardonnez-moi de m’être posé en sorte de problème, et tâchez de me résoudre. Notez que, avec tout cela, je suis excessivement