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Page:Leconte de Lisle - Premières Poésies et Lettres intimes, 1902.djvu/71

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premières poésies

Ont repris doucement le chemin des vallons.
Oh ! qu’il est enivrant le parfum de ces roses !…
Ces guirlandes du ciel, encor fraîches écloses,
Qui brillent de bonheur sous l’œil du jour levant,
Et font sécher leurs pleurs par les ailes du vent !
Telle, si quelque jour, l’âme nue et flétrie.
Je savais les regrets et les larmes, Marie,
Si le destin menteur prenait, ô mes amours,
Ce que je t’ai donné, l’ivresse de mes jours…
Si le dédain cruel s’abattait sur ma vie,
Et, rejetant mon cœur aux serres de l’envie,
M’exilait, morne et seul, au chemin des douleurs,
Oh ! que ta douce main daigne essuyer mes pleurs,
Que ton sein gracieux soutienne mon front pâle,
Et que je vienne aussi, ma blanche virginale,
Contempler ce beau ciel dont le printemps est roi,
Ce ciel brillant et doux, mais bien moins doux que toi !



Vous voyez, mon Ami, que mon amour n’est pas tout à fait aussi réel que le vôtre. Cependant, croyez-le, il est des moments où j’éprouve la joie et même la souffrance d’une passion positive. J’ai mes instants de découragement et d’anéantissement aussi, et, somme toute, idéal ou réel, mon amour, si je m’y donnais sérieusement, aurait toutes les jouissances et toutes les douleurs de son positif émule.