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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/104

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Cependant les jours étaient délicieux. Nous partions à l’éveil de la forêt dans la fraîcheur du matin. La nuit ne s’en allait pas tout de suite, des alcôves d’ombre s’attardaient dans les massives ramures. Et enfin la lumière montait ; des rais obliques moiraient le lent remous des vapeurs ; d’oscillantes et diaphanes colonnes de jaspe et d’or pâle se mouvaient au souffle léger et frais du vent. Le givre un peu de temps diamantait les aiguilles du pin. D’innombrables trames aériennes frémissaient, étoiles, ombelles, rosaces, et on ne voyait pas la mystérieuse ouvrière qui les avait tissées. Jusqu’à l’aube elle avait filé et chaque fil s’était emperlé de rosée ; les fougères ressemblaient à des orfèvreries et à des dentelles. Ensuite une bruine vermeille s’égouttait des feuilles ; des flaques lumineuses s’élargissaient au pied des arbres. Dans les fonds, des yeux de saphirs et d’émeraude dardaient comme la roue miraillée d’un paon. Et puis tout le bois se mettait à fumer comme une cuve. L’ombre à présent montait en petites nuées irisées, se volatili-