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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/114

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et nous mesurons l’éternité à l’heure brève où la vie paraît s’étre immobilisée en nous. Cependant elle s’en va et renaît et tout recommence selon la loi qui de la cellule fermée engendre une cellule vivante.

Ève, sitôt que j’évoquais la sombre image, pâlissait. Les yeux évanouis, elle me serrait dans ses bras. « Cher homme, ton cœur bat contre le mien. Comment pourrais-je croire que tu me seras ravi un jour ? » Cette simple enfant exprimait là une chose délicieuse, égale à la parole des saints, car il faut croire ; le cours pourpre de mon sang cesserait d’abreuver mes artères si, à sa manière, il n’était aussi un acte de foi. Ensuite, elle suspendait sa bouche à la mienne et elle s’écriait : « Voici mes petits seins, prends-les dans tes mains. Et voici mes cheveux, noue-les à tes poings. La mort elle-même ne pourrait plus nous séparer. » Mon Dieu ! avec quel orgueil de vie elle criait cela ! Son cri montait vers les arbres comme un défi.

C’était alors le troisième mois de notre amour. Ta gorge était toujours droite entre