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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/117

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que les choses ne sont que les apparences des mouvements de notre âme. Ève écoutait toujours chanter l’oiseau. « Oh ! fit-elle, son chant pénètre si doucement en moi ! Si profondément il descend dans ma vie et s’égoutte dans ma vie comme une pluie mélodieuse ! Je ne connaissais pas encore cette voix qui pleure un peu et ensuite s’envole comme un rire. » Les roses fleurissaient à sa joue. Je ne croyais pas qu’elle fût si belle et je la pris dans mes bras, riant et disant comme elle : « La grive a chanté, petite Ève ! Elle est ivre de sorbier et moi aussi, je suis comme la grive : les grappes roses de ta bouche m’ont tourné la tête. »

C’était là comme un jeu d’enfants et Ève seule ne riait pas. Elle prit mon visage dans ses mains ; elle regarda longtemps mes folles prunelles. Et quelque chose était survenu : ce n’était plus la même fille sauvage ; une tendre jeune femme fixait sur les miens un grave et humide regard. « Oh ! me dit-elle, c’est toi, c’est bien toi ! Ce sont là tes yeux ! C’est là ton visage ! Il me semble que je te vois pour la première fois. » Et ensuite, comme je