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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/140

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commence, cher homme et cependant le bois mourra, l’hiver venu. » Mais moi je m’écriai : « Il mourra et ensuite naîtra un bois plus beau, un bois vert et fleuri comme de ces abeilles il sortira d’autres jeunes abeilles à l’infini. N’est-ce pas là un touchant symbole ? » Ève me répondit très bas : « C’est ici que tu m’as appelée Ève pour la première fois. Comment les feuilles et les fleurs qui viendront après l’hiver me reconnaîtront-elles encore ? » La pensée légère de la mort plana. Chaque heure ainsi dans la vie amène une parole différente ; la dernière seule nous met si près du mystère qu’ensuite il ne faut plus rien se dire. Nous sommes dès la première minute toute la vie et cependant nous ne connaissons la vie qu’à mesure qu’elle va se changer en une autre, suprême. Et des races avant elle avaient répété la plainte charmante d’Ève. Elles étaient allées vers le jeune printemps ; et les feuilles et les fleurs ne les avaient pas reconnues. C’étaient là mes idées en ce temps.

Les jours furent splendides et tendres. Des prismes vaporeux harmonisèrent l’or et le