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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/155

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des pensées graves : elles s’accordaient aux avertissements de la saison. La nèfle et la pomme parfumaient le cellier. Des jarres précieusement renfermaient les conserves de coings, de mûres et de cenelles. La châtaigne en abondance nous gardait la pulpe grasse pour nos gâteaux. La flamme vermeille grondait dans l’âtre à ma rentrée ; l’ancienne forêt des étés s’y consumait en cendres ardentes ; le bois brûlé parfumait les chambres d’une odeur d’aromates. L’approche de l’hiver ne nous attristait plus. Nous étions la petite arche de paix et de joie à la garde de l’arc-en-ciel.

Un matin, Ève me dit : « Vois là-bas la forêt blanche de givre. Si tu m’en crois, nous irons jusqu’au taillis où tu m’as prise la première fois. Il nous est resté sacré. Là je me sentirai plus près de toi pour te dire bas à l’oreille une chose. » En nous tenant par la ceinture, nous allâmes vers le taillis, et elle se taisait, elle regardait devant elle avec des yeux humides. Mais, étant arrivés sous les rameaux légers, elle cacha sa tête dans mon