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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/165

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nous aussi, comme le givre. L’orée des avenues s’évida en portiques ; des ogives s’effilèrent ; des arcades se recourbèrent légères et diaphanes comme des apparences. Ces spécieuses architectures s’accordaient au songe de nos âmes plus subtiles. Ève y prit une beauté infinie comme si, avec son ventre las, elle était, dans cette mort blanche de la forêt, la promesse des renaissances. Chacun de ses petits pas fut de la vie qu’elle semait dans le lourd silence figé et ensuite l’été arriverait comme le moissonneur. Elle m’était venue au temps de la fraise sauvage, par les chemins roses, et maintenant les lys fleurissaient sous ses pieds, comme dans les paraboles.

Un matin de soleil, sous l’air tintant et léger, nous étions dans la clairière. Elle étincela de frimas, avec ses bordures de palmes cristallisées. De la guipure dentelait les rameaux ; les aiguilles de la pinède maillaient d’inouïes orfèvreries. Chaque feuille morte se nervait de fins argents. Des buissons aux raides stalactites furent d’accomplis joyaux. Et il tour-