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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/201

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maison et le couchait dans le berceau de hêtre. Ses cris et ses fureurs étaient ceux d’un petit satyre élevé au pis des panthères. Ses poings irrités frappaient la gorge maternelle comme un vigneron cogne la bonde. Il terrifia et charma Famine et Misère. Avec bienveillance tous deux lui léchaient les pieds ; mais quelquefois il prenait leur poil à poignées et ils se lamentaient, patients et douloureux. Ce fut l’apprentissage des jeux et des grâces ; sa jeune force se tourmentait d’être mêlée à la vie de l’univers ; et moi à mesure je calculais avec mes mains, de ses reins à son cou, la croissance souple de son échine.

L’orgueil de la sève, du sang paternel alors me grisa ; Ève, auprès de moi, sembla l’allégorie de l’hymen comblé. Je jouissais de la vue de ses mamelles grasses et blanches ; elles m’évoquaient une contrée fertile aux fontaines toujours jaillissantes ; elles m’offraient un paysage de lumineuses collines. Je vivais donc près d’Ève la vie charmante de son sein, ses courbes frémissantes et jumelles, modelées sur le dessin des mains