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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/212

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blement de sa bouche agitait sa barbe. Et je n’entendais nulle parole comme du seuil d’une église on voit le prêtre avant l’élévation baiser la nappe de l’autel et communier intimement avec le mystère sans que sa voix dépasse les orbes d’or où se meut sa chape.

L’encens violet du soir commença de floconner. La haute avenue effila ses verrières vermeilles ; la roue ardente d’une rosace tourbillonna ; la fauvette, le rouge-gorge, le loriot étaient les voix claires d’une spallette céleste. Je menai le vieillard vers la clairière, je lui montrai la mère allaitant l’enfant avec ses belles mamelles gonflées dans ses doigts. Et je lui dis : « Celle-ci est Ève et voilà Héli. » La paix du soir était sur eux, solennelle et tendre ; Ève, sous le regard de l’étranger, ne s’aperçut pas nue, dans sa beauté maternelle. Lui, avec une grande clarté sur le visage, contempla un peu de temps ces images de vie et ensuite il me dit étrangement : « Une étoile dans le crépuscule matinal brillait sur ce bois tandis que là-bas je quittais les hameaux. » Je restai saisi, l’entendant ainsi par-