Aller au contenu

Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nieuse des animaux que n’a pas avilis la domesticité. Les paroles du vieillard ainsi tombaient dans le silence, lentes et concentrées comme des gouttes de vie. Il parlait comme un homme qui a vécu aux âges jeunes de la terre. Le paysage, baigné de paix splendide, frémissait autour du vent de sa bouche.

Ève doucement, avec ses dents rougies du jus des fraises, se mit à rire, émerveillée des cheveux roux et des yeux hardis de l’enfant. Le frisson vert des feuillages jouait aux plis vermeils de ses cuisses. La boucle du nombril était une fleur rose dans son ventre laiteux et potelé. Sa bouche évasée semblait l’éclosion du bouton des mamelles. Ève tout à coup fléchit les genoux, dans l’attrait et la dilection de sa chère substance. Sa poitrine toucha l’herbe. Et à présent elle se roulait près de l’enfant, devenue elle-même une enfant, becquetant avec ses lèvres ivres la claire chair puérile et la fleurissant de meurtrissures roses comme les pétales détachés de sa joie. Héli, excité par cette folie, poussait le cri ardent d’un jeune dieu. Ainsi, dans les vallées antiques, une