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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/26

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meau. Elle avait l’innocence du jour, elle ne savait ni le bien ni le mal, et ainsi elle était plus près que moi d’Éden.

Nous montâmes par la forêt. J’évitais le frôlement de ses hanches ; j’étais moi-même timide et gauche comme un novice jeune homme. Un pommier sauvage croissait au bord du taillis. Elle cueillit une pomme, y mit les dents et puis me la passa, en riant comme une enfant. Et moi aussi, mordant à ce fruit acide, je riais et lui dis : « Tu fais là la chose qu’Ève fit pour Adam. » Elle ne comprit pas ce que je voulais dire. Tout le matin des arbres chanta dans mon cœur. J’étais celui qui s’est levé avant les autres hommes ; une pomme pendait à l’arbre de vie ; je l’ai prise dans ma main ; je ne l’ai pas cueillie : j’attendrai qu’elle mûrisse pour ma soif.

Sur le seuil de la maison je lui dis : « Vois, elle est nue. Maintenant nous vivrons ici à trois, avec cette bête. Cependant, si tu juges que tu ne puisses t’accoutumer, je te ramènerai vers la plaine. » Ma voix tremblait comme si dans ce moment je remettais ma