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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/277

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vitalité. Toute ma prédestination terrestre dardait en orgueil et en force à la surface de mon corps, ma substance magnifiquement effluait en chaleur de volupté et de joie à mes papilles. Il n’y avait pas un duvet de ma peau qui ne frémît dans les affres délicieuses de mes désirs. L’amour physique ruisselait de mes bras ouverts. Ma bouche se fondait comme une pulpe sous le feu des baisers. Même le frôlement de la petite bouche enfantine, le vertige sacré de la paternité m’émouvaient physiquement aux sources profondes. Et cette beauté divine de ma vie, on m’avait appris à la nier comme si par elle je n’étais pas une merveille consciente de la nature et un aspect vénérable de l’univers.

Toi, Héli, prolongement de mes racines à travers les siècles, tu iras nu aux fontaines, et t’admirant dans ta grâce, tu connaîtras que tu es un petit dieu. Toi aussi, Abel, fleur seconde de mon arbre, je te dédie au puissant, au glorieux, au splendide amour physique, père du globe. Et voilà votre père Adam et voici votre mère Ève. Nul de vous deux,