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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/286

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Et la courbe vertigineuse du ciel pantelait à travers ces vertèbres. Moi soudain alors, devant cette voûte nue de l’arbre tourbillonnant de la vie lointaine des planètes, je vis naître une image. Je dis étrangement à Ève : « Un squelette qui à travers ses côtes laisserait voir comme ce hêtre des semailles d’étoiles, ne serait-ce pas un symbole inouï de la chose périssable en nous et qui ressuscite dans l’éternité des mondes ? La mort n’est peut-être que l’ouverture prodigieuse du jour à travers l’arbre d’où les feuilles sont tombées. »

Une sensibilité surnaturelle à ce mot nous exalta tous deux : je crus voir s’ouvrir la vie infinie. Cependant je la serrais dans mes bras comme une petite chair qui va n’être plus qu’une ombre et s’évanouir. Nos âmes, dans le souffle bleu de la nuit, se cherchèrent à nos bouches. Je lui dis très bas : « Que cette heure divine, ô amie, s’incarne immortellement ! » Et nous aussi, à présent, comme les météores, nous palpitions de fièvre et d’héroïsme. La grande onde de vie passa tandis