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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/364

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tournée pour donner son lait à l’enfant. Cependant aucune ombre ne voilait ses beaux yeux ingénus et limpides. L’homme s’est levé vers le soir. Il m’a pressé de nouveau les mains, il m’a dit : « Je voudrais mériter à mon tour le bonheur qui règne dans cette maison. » Ève alors a fait avec nous un pas vers le bois ; elle a cueilli une touffe verte et la lui a donnée, disant : « Les roses n’ont pas encore fleuri. » Mon Dieu, c’était là, après tout, une simple parole, une parole franche et spontanée. Pourtant j’en souffris comme si elle eût eu un sens qui me restait caché. Je vis que cet homme dans ce moment hésita avec cette touffe verte dans les mains. Sa poitrine se gonfla ; il regarda Ève et ensuite il regarda le rameau. Oh ! il était droit et loyal, je n’en doutai pas, mais lui aussi à présent cherchait au fond de cette vie verte de la sève un sens secret et il ne savait plus s’il devait s’en aller. Il demeurait donc là tourmenté de regret et d’espoir, me regardant tristement moi-même. Et puis il eut tout à coup des yeux hardis et clairs, il dit riant à Ève : « Eh bien, je repasserai