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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/381

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Aucun ne savait lire ; mais je les avais initiés aux présages, à l’harmonie de la créature et de l’univers, à la beauté sacrée du corps, à la joie des êtres ; et ils n’ignoraient pas que leurs sens s’accordaient aux fins de leur destinée. La bouche a d’onctueuses papilles pour savourer les fruits juteux et sucrés. La caresse affleure aux mains en signe de la loi fraternelle. Les narines hument les bouquets ardents de la vie. Et les oreilles ne font pas de mal en écoutant le vent et les oiseaux, ni les yeux en se mirant dans les fontaines et dans les yeux. La nature se propose l’école des voluptés, et la vie est à elle-même sa jouissance. Nos repas et nos jeux en restaient délicieux.

Vie ! ô vie ! tu étais notre culte ! Une rose, une primevère, le cœur d’une fleur de pommier s’ouvrant au jour étaient pour Ève et moi une merveille aussi divine que la naissance du matin. Et la vie n’est pas plus grande dans un petit enfant qui vient au monde que dans la graine d’où sort le champ de blé et le novau où mûrit l’automne du verger. Il