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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/390

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n’est qu’une même parcelle de vie et le même homme infiniment prolongé revivant tous les mouvements de son ancestralité dans le moment où il ne croit vivre que de sa vie présente. Nos idées étaient belles et simples, venues des actes de notre vie. Elles ne montaient pas tout d’une fois à nos lèvres, quelquefois s’achevaient à des jours d’intervalle. Et l’arbre ne donne pas tout de suite son fruit ni la mamelle son lait.

Et vois à présent : je suis Adam et toi tu es Ève et voici les races. Toi et moi avons été les ingénus semeurs aux champs de la vie. Toi et moi avons semé l’humanité jusqu’aux dernières clartés du jour. Et maintenant la lumière se retire d’entre les arbres. Un soir merveilleux descend de la forêt et s’étend sur nos fils à travers les âges. Il est plein des roses de demain. Le troupeau paît dans l’ombre. Il y a des chants d’enfants et de jeunes hommes sous les rameaux étoilés : ils célèbrent les grâces et l’héroïsme. Et moi je prends tes genoux vénérables dans mes mains comme à la saison d’amour. Ma barbe de patriarche neige