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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/54

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hommes que du voile qu’ils avaient jeté sur la nature. En se cachant l’un de l’autre, ils s’étaient sentis impurs. Dieu pourtant est nu dans les choses inexprimablement. Et moi j’étais là sous les arbres, dans le bruissement léger de la forêt, ingénu et tremblant comme devant un mystère qui m’était seulement révélé. Mes habits en tombant avaient fait tomber les pauvres oripeaux de la fausse sagesse des hommes. Chacun d’eux était comme l’ombre d’un feuillage sur la clarté d’une source, comme une vanne qui retient les eaux profondes et mon âme aussi m’avait été cachée. J’avais méconnu le sens lucide de ma vie.

Je marchai ainsi quelque temps dans le bois avec la conscience de ma beauté originelle revenue. J’avais fait là une chose grande et simple selon la nature et cependant je n’avais pas su d’abord ce que je faisais. Peut-être les plus divins mouvements sont ceux qu’on ignore ; tout peut s’expliquer et on n’explique pas ce qui nous vient d’une chose en nous, éternelle et obscure. Et ensuite les voix me parlèrent : ton corps n’est qu’une image ; elle