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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/72

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genoux dans mes mains et maintenant lentement ses genoux s’écartaient. J’avais fait comme quelqu’un qui s’appuie au seuil avant d’entrer et qui doucement ensuite ouvre la porte. Et elle, en desserrant les genoux, s’était conformée au geste éternel et ingénu des épouses. Une grande paix nous enveloppait, un silence venu du fond des races autour de nous, comme si les ancêtres se tenaient droits derrière les arbres, un doigt sur la bouche. Nous avions mal divinement, nous ne savions pas si nous vivions encore ou si déjà c’était la délicieuse mort, comme une vie délivrée et infinie.

Puis le tressaillement vertigineux monta de la cellule originelle, de la durée ininterrompue de la substance, toute l’humanité ivre d’hymen qui avant moi avait descellé la virginité des genoux. Oh ! alors, comme des métaux broyés sur une forge, comme de l’or et du fer concassés dans des creusets, le sang gémit et cria dans l’angoisse suprême. Et moi, l’ayant baisée longuement aux lèvres, je pris ses petits seins dans mes mains et je