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Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/38

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la première très simple : une chambre nue, quelques malades, Bonaparte prenant dans ses bras le corps d’un soldat. C’était à la fois assez vide, et exagéré dans l’attitude de Bonaparte. La seconde est celle du tableau ; il n’est pas difficile de sentir à quel point elle est plus riche, plus pittoresque et plus vraisemblable.

Exposés au Salon de 1804, les Pestiférés[1] furent pour Gros l’occasion d’un triomphe éclatant. Le lendemain de l’ouverture de l’exposition, on trouva une palme attachée au cadre par les artistes, et ils se réunirent pour offrir à l’auteur du tableau un banquet confraternel, où leur admiration s’épancha en prose et en vers, à la façon toujours sentimentale et grandiloquente de l’époque. Denon, alors directeur des Beaux-Arts, écrivit spécialement à l’Empereur pour lui faire savoir le grand succès de l’œuvre.

La presse fut, presque sans exception, enthousiaste : « Observe ce style de Titien, et avoue qu’il remporte les suffrages de tout le monde avec raison. » C’était là la note générale, accompagnée cependant de quelques réserves, qui nous semblent aujourd’hui assez singulières, mais qui s’expliquent par l’esthétique du temps. On critiqua les « trivialités » qu’on croyait découvrir dans quelques détails ou dans quelques personnages, et le « manque d’unité et d’ensemble », traduisons le pittoresque, la variété des épisodes et l’instinct des réalités, qui font préci-

  1. Le titre exact était : Bonaparte, général en chef de l’année d’Orient, au moment où il touche une tumeur pestilentielle, en visitant l’hôpital de jaffa (Musée du Louvre).