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Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/203

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un verre de péquet. Le cantinier, envoyé par Poncelet avec mission d’arroser largement les hommes, se tenait là, la bouteille de genièvre à la main. Il lui coula dans les dents une rasade, et Simonard l’avala d’un trait, réconforté à cette chaleur de l’alcool comme à un baume.

— Ça va mieux ! mais cré Dié, il était tout jus’ temps. Je m’en allais, dit-il à Jamioul.

Sur l’ordre de l’ingénieur, Huriaux, Colonval et Gaudot le prirent par les aisselles et les pieds ; Bietlot lui soutenait les reins. Mais à l’instant où ils l’enlevaient du sol, une douleur si aiguë lui mordit le bas de l’épine dorsale qu’il se mit à vociférer une litanie de jurons et d’injures, la bouche tordue et remontée jusque prés de l’oreille.

— Cor une minute d’courage, cria Jacques, raidi sous l’effort et qui, les lèvres à présent toutes bleues parmi la pâleur des joues, sentait soudainement ses bras s’en aller dans une défaillance du cœur.

— Heu ! heu ! qué j’ crève plutôt, tonnerre dé Dié ! beuglait le chauffeur.

Comme les porteurs s’abaissaient ensemble d’un même mouvement, tout à coup Huriaux et Colonval se sentirent empoignés aux cheveux par une main terrible. C’était Simonard qui de toutes ses forces se pendait à eux. Colonval, hurlant de rage, essaya de lui abattre le poing. Jacques, lui, comme cédant à une force plus grande que la sienne, se laissa aller, s’écroula sur le mari de la Bique, les doigts de fer de celui-ci toujours emmêlés aux broussailles rudes de son crâne. Et Simonard s’y accrochait avec une