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Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/235

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— T’as quéqu’un d’aut’, ni vrai ?

Rinette alors paya d’aplomb : sûrement qu’elle avait quelqu’un ; à son âge, c’eût été trop bête de jeûner comme une béguine ; mais tout de même, elle n’était pas heureuse ; Huriaux rentré, son galant viendrait moins souvent ; on serait obligé de se voir en cachette, pour couper court aux misères.

— Si t’avais du cœur, ça ne serait pas long, dit rudement la mère avec un épouvantable geste.

Mais Rinette protesta mollement.

— Ça non ! Pus moyen de vivre tranquille après une pareille affaire.

— Taiss’-tu, taiss’-tu ! Faut-i qu’ tu sois cor’ biesse ! Avec quat’ pieds d’ terre d’sus l’ ventre, y a pas d’embarras qu’un homme i revienne.

Et la voix de la Félicité traînait basse et lente, comme un pas de meurtrier dans la nuit. Mais décidément Clarinette ne voulait pas de ce moyen ; son endurcissement, recuit au fourneau de l’adultère, n’allait pas jusqu’à l’idée du crime ; et l’horrible conseillère, dépitée de s’être trop avancée, alors s’avisa d’une retraite honorable. Ça lui avait tourné le sang de voir sa fille peineuse ; elle avait peut-être été un peu loin, mais on ne commande pas à ses