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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/159

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l’hallali

cées comme une douve, d’une maigreur effrayante de cheval squelette, sembla la caricature du coursier héraldique qui, dans l’écusson à la devise spacieuse, toujours « plus oultre », chevauchait. Cette fois, d’un bond suprême, il avait touché aux rives de la mort. L’antique au-ferrant, le quadrupède ailé et terrible qui était aux origines de la famille, finissait là, échoué, dans ce patriarche velu des labours. Bayard, qui avait henni dans les chasses de Pont-à-Leu et qui depuis quinze ans, traînait la charrue, apparut l’emblème véridique de ces nobles qui avaient vécu d’un train de prince et maintenant faisaient les basses besognes de la terre.

Doucement le Vieux l’appelait par son nom, le flattant de la main au flanc, au poitrail, sous les touffes de poils jaunes poissés par les sueurs dernières, et il lui parlait comme à une âme humaine.

— Te rappelles-tu, camarade, cette fameuse chasse où nous fîmes de compagnie cent lieues de pays et où seul de toute la bande, moi, Jacques-Hubert-Vincent-Gaspar de Quevauquant, je restai en selle cinq jours entiers, mangeant et buvant les pieds dans l’étrier et ne quittant la bride que pour le reste, à quoi nous contraint la nature. L’abbé, mon précepteur, en m’initiant à la mythologie, me parlait en mon