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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/178

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l’hallali

Il mentit effrontément.

— C’est point vrai.

— Moi, dit-elle, j’suis Jaja, la fille à Jean-Norbert. J’vas sur mes seize ans, j’ai pas peur ad’toi ni d’parsonne.

Il haussa l’épaule, sournois, ayant son idée : et à petites fois il riait, gloussait comme une poule. Il n’y eut plus qu’une légère distance entre sa bouche et elle.

Il aurait voulu la mordre, dans un besoin de la faire crier. Elle, avec son œil aigu, le guettait, toujours sans mouvement, et enfin le garçon, d’un rire rusé et muet, prudemment avançait la main. Aussitôt toute la paille vola ; elle se dressa d’une colère de chat sauvage, ses petites dents pointues au clair ; et à coups d’ongles elle le griffait, en le poussant vers la porte. Alors lui, le fils des paysans, dans cette maison des seigneurs, prit peur. Les dents serrées, sans un cri ni un mot, il se lança par la cour et tomba sur son père qui le cherchait.

— Ouais ! fit le paysan en apercevant, dans Ventre-bâillement de la porte, Jaja, rouge et furieuse, les cheveux entremêlés de paille.

Une chaleur lui passa au cœur pour le gars de son sang qui osait s’en prendre à la fille des anciens maîtres. Il souffla dans ses joues et eut l’air de ne s’être aperçu de rien.